« Il faut toujours qu’il nous ridiculise Béa’. » L’homme fait de grand geste, parle fort, marche vite. Il déambule dans le salon puant le fric. Ce sert un whisky pur malte devant les yeux de sa femme et reprend sa tirade. « Ca ne peut pas continuer non. Je ne supporterais pas une humiliation de plus de cet avorton qu’est ton fils. » ‘’ton fils’’ … il en oubliait soudainement que tu étais le fils des deux parents et non pas que de la mère. Béatrice Winstead se tenait le dos bien droit, telle une planche de bois, son chignon tiré lui donnant un air austère. Autrefois, elle était belle, ces cheveux roux faisaient flamboyer son visage de femme proprette. Mais maintenant, ternis par l’austérité de son mari, elle s’était assombrie, gardant toutefois son caractère si doux. « C’est un gamin William. » Le soupire qu’obtient la femme en réponse ne fait que souligner toute la stupidité d’une telle réponse. Assis, tu demeures enclin à l’écoute de leur conversation dont tu connais parfaitement l’issus. Mais comme si tu en espérais une autre, tu attends toujours d’entendre la fin de leur conversation. Parce que oui, ça arrive souvent. Tes parents passent leur temps à tergiverser à ton sujet, comme s’il avait le total contrôle de ton existence et, en un sens, sans doute l’on-t-il un peu. « Un gamin ? Béa, il va avoir dix-neuf ans, il fait n’importe quoi … drague toute les filles de nos amis et ce soir, je te rappelle qu’il était déjà sous les jupes de l’une d’elle. Ce n’est pas un gamin. » Tu entends le soupire de la matrone qui, s’apprêtant à plaidait – comme toujours – la cause perdu que tu étais, est finalement coupé par la prise de parole imposante de son mari. « L’armée serait le meilleur moyen pour lui d’apprendre la discipline. » Tu te crispes, tentant de savoir comment ta mère va pouvoir, cette fois-ci, plaider ta cause alors qu’au fil du temps, elle n’a fait qu’avoir plus de mal encore. « Will tu n’es pas sérieux … » Sa voix se fait discrète, comme si elle craignait de ne recevoir une claque au cas ou elle puisse être clairement contre cette idée. Parce qu’ici, personne n’était contre les idées de William Winstead. « Je suis on ne peut plus sérieux, au contraire. » Il achève son verre de whisky, le bruit du verre sur la table sonne la fin de cette conversation. Silencieux, tu remontes les escaliers de marbre.

« J’peux entrer ? » Par automatisme, tu relèves la tête, pourtant, tu sais très bien qui peut venir te voir à cette heure-ci en passant par la porte. Tu souris au visage angélique dont la tête à passé l’embrasure de la porte et hoche la tête pour l’y invité. Elle ne tarde pas à atterrir sur ton lit, la porte soigneusement refermée. « Papa a encore parler de t’envoyer à l’armée. Et cette fois-ci, maman n’a même pas eut l’occasion de vraiment te défendre. » Le silence qui suit ne laisse pas douter de la peur qui vous happe tout deux. Car oui, il a l’air si décidé et, tout le monde sait qu’une fois que William Wistead à fait un choix, il est difficile de l’en détourner, surtout lorsque l’idée fait son chemin depuis quelques années déjà. « Alors c’est ça … tu t’en vas ? » Tu observes un instant son visage pâle entouré des cheveux roux qu’elle a héritée de sa mère, ses yeux noisettes. Il n’en fait aucun doute qu’elle est magnifique. Et pourtant, derrière ce calme qu’on pourrait croire constant, ta petite sœur à un trouble de la personnalité multiple et, c’est une chance pour toi de pouvoir lui parler alors qu’hier encore, elle était une autre personne. Ta frangine n’est par ailleurs jamais sortit de l’enceinte du manoir Winstead. Le paternel refusant de présenter au monde de petits bourges sans cervelle une fille qui pouvait changer selon la personne qu’elle était. En vérité, à part les Winstead eux-même et quelques amis très proche, personne ne connaissait son existence et, elle, le seul monde qu’elle connaissait, c’était celui que son frère lui montrait. Parfois, tu l’emmenais au-dehors, lorsque tu étais sûr que tes parents ne le saurait pas, plus loin que les murs du manoir cela va de soit. Ailleurs. C’était bien le seul endroit ou on pouvait s’épanouir. « Je sais pas. » Tu as lâché cette phrase dans un soupire douloureux. Partir, tu ne veux pas. Pas seulement parce que servir la nation ne t’intéresse pas. Mais surtout parce que tu ne veux pas abandonner ta sœur aux mains du paternel qui n’a pour objectif que de dorer davantage son blason. « Je veux pas que tu partes … » Elle minaude une imploration qui te rends triste. Lui offrant toutefois un sourire réconfortant, tu l’attires à toi, enserrant son corps de tes bras. « Où que je puisse aller, je reviendrais toujours. Juste pour toi. » Une vaste promesse. Bien trop vaste pour que tu puisses la tenir, c’est sûr. Mais ça, tu ne le savais pas encore.

« Oh l’armée, ça doit pas être si horrible qu’on le dit. » Tu fronces les sourcils, ton sac sur le dos, lui offrant un regard des plus particulier qui soulignait la tout le sceptique dont tu faisais preuve.. « C’est comme ça que tu me rassure ? » Son regard brille d’une étincelle d’amusement tandis que, sans tarder, elle te réponds. « Qui a dit que je voulais te rassurer ? » Elle rit de sa propre vanne, tandis qu’amuser, tu secoues doucement la tête. Les au revoir, ça n’a jamais été votre truc. Et pourtant Dieu sait qu’il survenait souvent, après tout, elle passait son temps à voyager. Mais vous préfériez en rire, faire comme si tout allait bien. Parce que vous le saviez : vous vous reverriez toujours. Pourtant, avant que tu t’en ailles, elle te saute dans les bras, murmurant à ton oreille les seuls mots que personne ne t’a dit : « Fait gaffe à toi. Je t’aime Jagger. » Tu ne sais pas trop ce que signifie ce « je t’aime », à dire vrai, vous n’avez jamais eut de tel mot l’un envers l’autre, ils étaient trop significatifs. Alors, tu hésitais entre la sincérité, ou la peur de te perdre qui avait engendrer des mots qui dépassaient sa pensée. Tu l’as quitte silencieux, un sourire masquant mal ta tristesse, tes pas rejoigne un autre monde. Celui de l’armée.

*

Puis, tu étais revenu de l’armée. Tu avais vingt-deux ans, le poids de ce nouveau ‘’job’’ devenait de plus en plus contraignant à mesure que tu le vivais. Alors, tu comptais profiter de ces quelques mois de répits, assez mécontent de devoir un jour repartir. Lorsque tu avais revu Tamara, ta meilleure amie, il fut d’une évidence peu commune que le « je t’aime » qu’elle avait balancé avant ton départ avait été d’une sincérité lancinante et, quand bien même cela n’eut absolument pas plus à ton père, qui la trouvait bien trop vulgaire pour n’avoir que l’infime espoir d’entrer un jour dans la famille, tu t’étais mis en couple avec elle. Sans doute les années les plus heureuses de ta vie. « Je veux pas que tu repartes … » Avait-elle minauder. Vous n’aviez plus qu’une misérable semaine à passer ensemble et il était clair qu’aucun de vous deux n’avais envie que tu partes. Tu n’avais pas apprécié l’armée. Désormais, tu l’appréciais encore moins. « J’en ai aussi peu envie que toi, tu sais. » Elle esquisse un sourire, embrassant furtivement tes lèvres avant de reculer. La ruelle est déserte, normale après tout, c’est une rue piétonne. Elle se met à tournoyer comme une enfant au milieu des pavés. Tu souris au spectacle qui s’offre à ta vu. Pourtant, il ne tarde pas à être troubler. La moto slalome entre les poteaux interdisant le passage des engins de locomotions et roule à vive allure. Bien trop vite. Elle n’a pas le temps de faire un geste, son corps vole déjà à l’autre bout de la ruelle avant de retomber avec violence sur le macadam. Tu n’as pas eut le temps de comprendre, tu restes tétanisé, tes yeux cherchant son corps qui est censé tournoyer encore. Mais non, elle est là-bas, étendu sur le sol, le sang lui servant de lit funeste. C’est fini.

Tu n’assistera jamais à l’enterrement de Tamara Cruz, qui a été organisé après ton retour à l’armée.

« Tu repars déjà ? » Ta sœur entre dans ta chambre sans même frapper tandis que tu t’affaire à préparer ton sac pour repartir à l’armée. Elle s’assoit sur ton lit et scrutes ton visage. Tu n’es plus le même. Dévasté par la perte d’un amour partit bien trop vite, connu bien trop tard. « Il le faut bien. » Ton intonation n’exprime rien si ce n’est l’indifférence. Le monde ne t’apporte plus aucun réconfort, l’idée de te faire tuer là-bas ne t’inquiète même plus et le soleil te paraît toujours trop gris. Ta sœur ramène ses genoux vers sa poitrine. Elle fait souvent sa lorsqu’elle a l’impression de perdre le contrôle et qu’un de ces ‘’autres elles’’ ne viennent prendre possession de son corps. « Tu sais ce que je pense ? » Aucune réponse, évidemment, tu ne comptes pas parler alors que tu sais pertinemment que même si tu réponds non, elle te le dira. « C’est ta vie Jagger. Ton destin. T’as plus qu’à le prendre en main. A en faire ce que tu veux. Pour Tamara mais aussi, pour toi. » Elle se relève finalement, embrassant ta joue et prête à repartir, elle se retourne finalement vers toi. « T’as pas envie de retourner là-bas. On le sait tout les deux. » Tu ne bouges plus, trop concentrer sur ces paroles. Puis finalement, achevant de faire ton sac, tu quittes la maison par la porte arrière, prenant le chemin d’une nouvelle vie. Une vie bien plus libre que celle qu’on t’impose ici.