« Tu m’aimes ? » « Dis pas de bêtises Maxime. Allez, j’éteins la lumière, demain, c’est Katie qui t’amène a l’école. » La lumière, elle s’éteint. Ouais, tous les soirs, la lumière elle s’éteint sur ma mère qui disparait. Alors je me glisse sous la couverture. J’aime pas cette chambre. J’aime pas être ici toute seule. Les poupées près de la fenêtres, je les vois bien qui me regarde. J’aime pas ça. Et puis, je les entends en bas, mes parents qui parlent forts, qui claquent les portes. Ma mère dit que mon père c’est un con. Je sais pas ce que ça veut dire, mais un jour je lui demanderais. Ca doit être quelque chose qu’on dit a son amoureux. Alors je le dirais a mon amoureux, quand un jour il viendra frapper a ma fenêtre. Ouais, je le sais bien qu’un jour, quelqu’un viendra me chercher. Comme les princesses dans les histoires que maman racontait avant de crier très fort. Oui, c’est dit dans les histoires, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.
« M’man ? » Silence. J’ai toujours détesté cette maison. Un château sans princesse. Quoi que si, y a ma mère. Le genre de femme qui fout la gerbe. Elle a ce regard, cette odeur, cette façon de s’adresser aux gens en les rabaissant. Le pire c’est mon père. Elle le regarde presque plus. Moi ?
« Maman ?! » Alors je grimpe les marches. Je les connais par cœur, c’est là que je venais me cacher avant, quand mes parents criaient forts et que je voulais savoir de quoi il était question. De cons, toujours. Je suis sûre qu’ils savent pas ce que ça veut dire en vrai. Moi si. Et puis, en haut des marches, y a ce bruit. C’est comme un cri de douleur, une plainte, quelque chose comme ça. Ma mère est en train de crever, j’en suis presque sûre. Ouais, ce bruit, c’est celui d’un chien qu’appelle a l’aide. Je l’ai vu sur arte. Alors je précipite le pas, et puis la porte de la chambre de mes parents, je la pousse peut être un peu fort. Waouf. A quatre pattes sur le lit, ouais, ma mère a l’air de souffrir, presque autant que le type qui tel un chevalier chevauche cette vieille jument. Une jument qui pue le frique. Et puis je comprends. Ça. Ma mère et ce type pas beaucoup plus vieux que moi. Elle hurle, surprise. Il glisse sur les draps pour cacher ce qui lui reste de virilité. Idiot. Et puis y a elle. Ouais, y a elle qui me regarde. Je le reconnait le chien. Celui dans ses yeux qui m’implore de tout oublier. Ma mère est une pute. Une trainée. Je claque la porte derrière moi pour redescendre les marches. Je déteste cette maison.
« Max ! Ma chérie, je vais t’expliquer ! Maxime s’il te plait, ce n’est pas ce que tu crois ! » Ah ouais ? Alors quoi ? C’est pour ça que quand j’étais môme, moi c’était la nounou qui venait me chercher à l’école ? Pour que ma mère puisse satisfaire ses désirs de femme riche. Je deviendrais pas comme ça. Jamais. T’as raison, je me plante, ma mère c’est pas une princesse. Les princesses ça n'existe pas.
Je sais ce que je fais là. J’ai rien, rien du tout. Je suis paumée, et les gens ils ne me regardent pas. Mais ça, ouais, j’aime bien. L’idée d’être personne. L’idée d’être la fille de personne. Plus de père, plus de mère. Voilà, c’est ça. Mais je suis toute seule et ça je sais pas faire. Je suis pas douée avec les gens. J’ai jamais trop su comment m’y prendre. Les amis, j’arrive jamais a les garder. Ils m’agacent. Ouais, j’aime pas les gens. Les gens ils me font peur. Quand les gens ils me bousculent, je voudrais disparaitre. Alors me ventre me ramène a la réalité. Il a le don de gronder quand il faut pas. Le type a côté de moi, il me jette un regard, le genre de regard méprisant dont ma mère avait le secret. Ma mère. C’est sa faute si je suis là. Sa faute a elle si depuis cinq jours maintenant, je suis incapable de trouver où dormir, encore moi de trouver où manger. Mon père sait pas, et je veux pas qu’il sache. Ca lui ferrait mal. Je suis pas pour faire du mal aux gens, j’aime pas ça. Et puis, ma mère avait raison. C’est un con. Je suis sûre qu’il sait mais qu’il dit rien. Mon père, c’est ce genre là, le genre qui dit rien. Comme moi. Je dis rien. Surtout aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui, c’est jour de marché ! Les gens se bousculent, parlent forts. Les gens se dispersent, les gens ne font pas attention. Et puis, ça sent bon. Ca sent pas comme chez moi. Chez moi ça sent les légumes. Les trucs bons pour la santé. Ici, c’est différent. Ici, ça sent la friture, la cigarette et la boue.
« Pousse toi de là toi. » Le type, il parle, m’écarte de sa route et provoque mon nez à nez avec le stand du monsieur hot dog. Je l’avais déjà vu, déjà repéré. Le nom est idiot. L’odeur, ça c’est du rêve. Alors dans ma bousculade, je me rattrape au chariot. Sauve ma vie, je volerais la tienne. Ouais, dans ma main, je glisse un de ces chiens chauds. C’est idiot. Et puis je cours. C’est ça le jeu. Parce que ouais, c’est un jeu. Je suis pas une fille des rues, je joue. Je joue a fuir mon chez moi, je joue a fuir ma vie, je joue a Robin des Bois. Les hommes sont les plus faciles a dérober. Ils aiment regarder. Alors regardez moi ! Je cours. Ouais, je cours alors que derrière moi, j’entends les gens qui crient. Ils crient beaucoup pour moi toute seule. Je sais pas, je sais pas où je vais. Je cours et puis je m’effondre. Les voix s’éloignent. Je sais pas où je suis. Mais je suis là, moi et mon sandwich qui sent bon le mal. Je suis pas une voleuse, ni même une fugitive. Moi c’est Maxime. Et puis, y a ce bruit. Des pas je suppose. Idiot de vendeur, si tu m’approche, je te mord. Alors je recule, j’heurte le mur. M’approche pas. Et puis, je le vois. Lui, le type. Celui qui déchaine les cris. Bordel, t’as volé mon rôle. Voleur. Dernier coup d’œil derrière lui. Toi aussi, si tu cherche, je te mords. Mais il a pas l’air vraiment méchant. Mes doigts se resserrent contre mon petit dej’.
« Voleur… » Je souris. C’est con ce mot. Voleur. On vole tous tout un tas de choses.
« Voleuse ». T’es perspicace prince charmant. Mais mal rasé.
« Faire tant d'histoire pour attirer l'attention, on a jamais vu ça, je t'avais dit qu'elle ne nous apporterait que des ennuis ». Parle. Parle encore et toujours, je t’écoute pas. Parle. Raconte lui tous les mensonges que tu veux, tu sais très bien que tu ne vaux pas mieux que moi. Maxime, gosse de riches a tendance kleptomane. Désolée papa et maman. En fait non, je suis pas désolée. Alors je pousse un soupir et puis je me lève. Nan, je l’oublie pas, le type dans ma cellule, le voleur de crêpes par la faute de qui je suis là. Tu cris trop fort prince charmant. Alors c’est bref, ouais, mais je tourne la tête vers lui pour lui adresser un sourire. J’aimerai son souvenir. Et puis , c’est comme a la télé. Le type de la police, il ouvre la porte, retire mes menottes, tout ça. Cool. Sauf que dans la seconde d’après, mon père me tombe dessus. Mon père c’est un volcan. Bam. Eruption sur ma joue qui immédiatement vire au rouge. Je sais que t’es là, le voleur. Alors je me mords la lèvre. Je ravale cette putain d’envie de redevenir une petite fille. Fondre en larme. Mais on ne joue pas au jeu de la liberté pour ensuite s’effondrer. Je tiens le coup. Et je voudrais lui dire, a ce père, combien le monde se moque de lui ! Je voudrais lui raconter, sa femme le cul en l’air. Je voudrais lui dire combien ça me blesse, moi, qu’ils ne soient plus amoureux. Je voudrais lui dire que c’était mon héro. Ouais. Je voudrais lui dire tout ça. Mais ça vient pas, et puis on ne m’en laisse pas le temps. Je comprends plus, j’entends plus. Ma main sur ma joue, je le vois, lui, l'inconnu qui se lève, prêt a bondir sur mon père. Je sais pas si je cris, je sais même pas si je réagit.
« Hé, où tu penses aller comme ça ? » Je comprends pas. Ma mère attrape mon bras, en profitant pour me glisser de me la boucler, qu’y a déjà eu assez de scandale comme ça. Dis moi, c’est lequel ce chapitre là ? Celui où le prince se révolte pour une gifle, ou celui ou le prince sauve la princesse ?
Je ne le reverrais jamais. Lui comme les autres. Un simple voleur. Le soir de mon arrestation, mon père me proposait de rentrer dans un pensionnat pour jeune fille. Un truc qui vous apprend les bonnes manières qu'il disait. Comment devenir une bonne épouse. Et je refusais.
Je m'engage dans l'armée. A prénom de garçon, métier de garçon. Et puis, l'armée c'était le meilleur moyen de fuir mon chez moi. M'échapper à nouveau. Jouer. Oui, je deviendrais soldat, peut être pas pour longtemps, peut être sans trop comprendre dans quoi je m'engageais. Bonne fête maman. Je tue la princesse.