Maintenant un peu plus de vingt et un ans que je vivais sur cette stupide base de l'armée américaine. J'en avais marre de vivre ici, et mon désir de partir était beaucoup plus grand depuis la disparition de Grayson, un ami très proche que je considère comme un frère et du décès de Zachary, mon copain des huit dernières années. C'était très douloureux mais la vie continuait et je devais passé à travers tout ça, un jour. Mon père aimerait bien que se soit tout de suite, mais c'était totalement impossible. Je ne suis pas comme lui et je n'allais jamais devenir comme lui. J'étais beaucoup trop émotive et il me le rappelait souvent. Mon père était du genre à être un vrai militaire endurci, selon lui, un vrai homme, avec un coeur de pierre et qui n'avait pas de sang qui coulaient dans ses veines. Ma mère quant à elle, comprenait la situation mais n'osait pas dire quoi que se soit. La vie de militaire, quoi? Je détestais cette vie et ce, depuis aussi longtemps que je m'en rappelle. Lorsque Zachary m'a annoncé qu'il voulait s'enrôler dans l'armée, mon coeur s'est brisé en mille morceaux, mais comme je l'aimais beaucoup trop, j'avais décidé de l'épauler dans sa décision et dans la démarche. Maintenant qu'il n'est plus là, je me sens coupable de ne pas l'avoir arrêter au bon moment mais il est trop tard. J'essaie d'empêcher mon petit frère de faire la même erreur mais c'est la même histoire qui se répète. Je l'aime beaucoup trop pour lui mettre des bâtons dans les roues, alors je l'épaule. Je sais très bien que mourir lors d'une mission en Afghanistan ou en Irak, c'est un risque du métier et ça n'arrive qu'aux autres mais lorsque c'est vous que ça touche, on pense autrement.

Peu importe, même si je continue à me morfondre pendant des heures, ça ne changera rien. Zachary n'est plus là et Grayson est toujours porté disparu. Oui, j'ai d'autres personnes, d'autres amis dans ma vie, mais ce n'était pas la même chose sans eux. Après avoir passé la journée à l'école, je devais faire un tout petit shift au restaurant avant de rentrer à la maison. Il devait être tout près de 20h, lorsque je passai le pas de ma porte. Je déposai mes choses à l'entrée avant de continuer mon chemin vers la cuisine. J'ouvris le réfrigérateur pour voir ce que je pouvais bien manger parce que mon estomac était en train de crier '' famine ''. Au bout d'un moment, je sortis un petit plat congeler que j'ai mis dans le four à micro-ondes. Pendant que c'était en train de réchauffer, je me dirigeai vers ma chambre pour me changer. J'enfilai une paire de jogging et un large t-shirt qui appartenait à mon amoureux. Sur mon chemin du retour vers la cuisine, j'attendis quelqu'un frappé à la porte. Je me demandais bien qui cela pouvait être à une heure pareille. Finalement, j'ouvris la porte et à ma grande surprise, Grayson se tenait devant moi. J'étais sous le choc, c'était comme si je vouais un fantôme. Dans un chuchotement, les seules paroles qui sortirent de ma bouche furent son nom.

Grayson avait dormi 15H de suite. Ce n’était même plus une nuit, ça représentait plus de la moitié d’une journée. Mais il avait tellement de sommeil à rattraper, qu’il ne s’était pas infligé un réveil. Il était rentré la veille d’Irak, après son mois de galère dont il avait refusé de parler avec Roxanne. Il avait pu savourer sa maison, et avait dévoré tout ce qui lui était tombé sous la main. Et enfin, son doux et confortable matelas s’était offert à lui. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’avait pas eut ce genre de confort qu’il en avait même oublié la saveur. Et il s’était enfin endormi, avec sa fiancée contre lui. Il s’était réveillé alors que l’après-midi commençait. Il avait préféré traîner un peu au lit, avant de finalement rejoindre la salle de bain. Sa foutue jambe blessée l’embêtait, elle l’empêchait de rester debout longtemps et elle lui faisait mal lorsqu’il bougeait. Il avait d’ailleurs plutôt intérêt à ne pas faire de faux mouvement, sinon il risquait de souffrir encore plus. Il avait rasé sa barbe de plusieurs jours qui le vieillissaient et le rendait trop solitaire à son goût. C’était bien mieux ainsi, il ressemblait à lui-même. Il avait fait un petit tour de la maison qui, il faut bien l’avouer, n’était pas très grande. Rien n’avait vraiment changé, quelques nouveaux objets, certains avaient changé de place. Le désordre n’avait pas envahie les lieux, mais en même temps ils n’étaient pas du genre à vivre dans le bazar. En tout cas, il avait vraiment conscience d’être de retour chez lui, et ce pour son plus grand bonheur. Il fallait qu’il revoit pleins de monde, tous ses proches, tous ses amis. Il avait perdu son téléphone en Irak, et certains numéros n’étaient pas enregistrés dans celui de Roxanne. Il devait donc aller s’en racheter un et partir en quête e numéros, mais pas pour aujourd’hui. Nan d’abord, il fallait qu’il s’occupe de sa jambe.

En prince, il devait se rendre à l’hôpital d’Austin pour assurer le suivi de sa blessure. Certes, il avait été soigné en Irak mais il fallait surveiller la plaie, et apparemment il devait se coltiner des béquilles. Il n’avait strictement aucune envie de paraître handicapé à ce point, déjà que ça l’embêtait de boiter à la vue de tous. Il était un grand sportif, toujours en mouvement, toujours en train de s’entraîner. Et là, sa blessure l’empêchait de s’adonner à ses passe-temps favoris. Il ne savait pas vraiment pour combien de temps il en avait, la blessure devait guérir avant tout. Mais il s’ennuyait déjà de ne pas pouvoir bouger à sa guise, alors le temps allait être long. Très long. Préférant éviter les grands soins et tout ce qu’il n’aimait pas, il décida de se rendre chez une amie chère à son cœur qui avait entamé des études de médecine. Il embrassa sa belle avant de quitter leur maison et se rendre jusqu’au domicile de Noelle, qui n’était pas très loin. Il avait hâte de la voir, et espérait qu’elle ne s’était pas trop inquiété. Mais bon, un mois sans nouvelles ça n’avait rien de rassurant. Il s’approcha de la porte et toqua. La porte s’ouvrit après quelques secondes, et il fit encore son petit effet de surprise. Elle murmura son nom, comme pour bien s’assurer que c’était lui. Il fit un pas en avant, tout en boitant. « Approche. » . Et il la prit dans ses bras dans une étreinte amicale qui dura quelques secondes. Il avait encore beaucoup de retrouvailles de ce genre à faire, mais celle-ci était particulièrement important. Il se détacha finalement d’elle et posa sa main sur le rebord de la porte pour éviter de mettre trop de poids dans sa jambe blessée. « Comment tu vas ? » . La question, tellement banale, pouvait paraître bizarre vu que cela faisait six mois qu’ils ne s’étaient pas vu que depuis un mois, tout le monde savait qu’il avait disparu. Mais il s’inquiétait toujours de savoir comment elle allait, que ce soit son boulot, sa santé, ses amis, les amours, etc.

Le temps passait drôlement vite malgré le malheur qui s'acharnait sur ma vie depuis les dernières semaines. Il faut dire que j'essayais de me garder occupé le plus possible pour ne pas penser à Zachary ou même à Grayson. Les deux me manquaient énormément. L'un d'entre eux n'était plus des nôtres mais Gray' était peut-être toujours vivant même si parfois, je pensais au pire. Il ne fallait pas mais c'était plus fort que moi. Lorsque je rentrai chez moi, après cette longue journée d'études et de travail, j'étais bien contente de retrouver le confort de ma maison. Pendant que mon repas était en train de réchauffer dans le four à micro-ondes, j'enfilai une tenue beaucoup plus souple et beaucoup plus confortable que mon habit de travail. Je revenais vers la cuisine lorsque j'entendis quelqu'un frappé à la porte. Malgré l'heure tardive, j'emboitai le pas vers cette dernière pour l'ouvrir. À ma grande surprise, Grayson se tenait devant moi. Je n'en revenais tout simplement pas que le seul mot qui est sorti de ma bouche était son prénom. J'étais certainement en train de rêver. Il ne pouvait pas être là. Pourtant, il l'était. Un large sourire se dessina sur mes lèvres lorsqu'il me serra dans ses bras.

Après quelques secondes, nous nous sommes décollés de l'un et de l'autre. J'étais tellement heureuse. Mon coeur était beaucoup moins lourd. Il était devant moi, alors je n'avais plus à penser à toutes ses horreurs que la guerre pouvait apporter à nos soldats. Puis il me demanda comme j'allais. C'était une très bonne question qui venait de me poser là. Je ne le savais même pas, moi-même comment j'allais. Je laissai échapper un lourd soupir avant de lui dire : « Pour être honnête avec toi, je ne le sais même pas, moi-même comment je vais. C'est difficile, ces dernières semaines mais tu me connais, je vais passé au travers, un jour ou l'autre. » Il n'est pas au courant pour Zachary et même si je n'avais pas envie d'en parler, je ne pouvais pas, ne pas lui dire. Après un moment à être tous les deux dans le cadre de la porte d'entrée, je me tassai vers le côté pour lui laisser de l'espace avant de l'inviter à entrer à l'intérieur. Nous allions être beaucoup plus confortable à l'intérieur pour discuter. « Tu peux t'asseoir sur le canapé dans le salon... Est-ce que tu veux quelque chose à boire? » Lui lançais-je, tout en me dirigeant vers la cuisine.

La porte était désormais ouverte sur la jolie rousse qui avait bien du mal à réaliser que Grayson se trouvait face à elle. Il avait, bien malgré lui, créé de vives inquiétudes. Il ne tarda pas à la prendre dans ses bras pour profiter de ce moment de retrouvailles, tout en prenant soin de lui demander comment elle allait. La réponse ne fut pas excellent, ce qui eut pour effet de ne pas rassurer Gray. Il n’aimait pas savoir ses proches dans de mauvaises passes et ne pu s’empêcher de chercher à en savoir plus sur les raisons de cette réponse insatisfaisante. « Pourquoi ? Que se passe-t-il ? » . Il ne se fit pas prier pour entrer dans le domicile de son amie lorsqu’elle se rangea sur le côté pour le laisser passer. Il boita jusqu’au canapé, ne tenant plus vraiment sur sa jambe. Il avait fait le trajet à pied et se rendait compte que ce n’était pas la meilleure idée qu’il ait eut. Mais le fait de s’asseoir soulagea sa blessure qui commençait à lui faire mal. Il n’aimait pas cela, se sentait faible car incapable de rester debout bien longtemps. Elle lui proposa à boire, ce qui signifiait qu’il pouvait rester et qu’elle n’avait rien de prévu pour la soirée. De toute façon, il n’allait pas lâcher le morceau, il voulait savoir pourquoi elle n’allait pas très bien. Et Grayson pouvait devenir très chiant quand il voulait absolument connaître quelque chose. « La même chose que toi, ça devrait aller. » . Il jeta un coup d’œil autour de lui. Décidemment, tous les lieux qu’il connaissait bien et qu’il retrouvait lui faisait une étrange sensation. Il savait où il était, mais les premières minutes le laissaient toujours se sentir comme un étranger dans un lieu familier. Quoiqu’il en soit, il n’y pas vraiment eut de changement majeur, tout semblait être resté comme dans ses souvenirs.

Il attendit que Noelle revienne avec les boissons pour la scruter de bas en haut, histoire de voir si là aussi il y avait des changements. Pas vraiment. Il craignait toujours que les gens aient tellement changé qu’il ne puisse plus les reconnaître. Mais au fond de lui, il savait qu’il était celui qui avait changé, mais il ne saurait dire en quoi. « Alors, notre futur médecin avance-t-elle dans ses études ? » . Il était assez impressionné par le chemin professionnel envisagé par Noelle. Il fallait franchement en vouloir pour se lancer dans la médecine, c’était long et tellement compliqué. Avec la pression, les heures supplémentaires, la difficulté de perdre des patients. Roxy avait commencé ce type d’étude, mais avait finalement préféré suivre la carrière de son père. Gray avait été rassuré quelque part, car la vie des médecins n’était pas toujours très simple. Mais c’était une ambition admirable, et il espérait que Noelle parvienne à ses objectifs en décrochant son diplôme. C’était bizarre de reprendre ce type de conversation tout à fait normal après avoir disparu pendant un mois. Mais il préférait parler des autres, c’était beaucoup plus simple et plus intéressant.

De voir Grayson devant moi, m'enlevait un poids de plus sur les épaules. J'étais surprise et sous le choc de le voir devant moi, mais j'étais tout aussi contente. Après qu'il m'est prit dans ses bras, je me tassai sur le côté pour qu'il entre à l'intérieur. Je n'allais tout de même pas le laisser planter là, devant moi sur le pas de la porte. Lorsqu'il me demanda comme j'allais, j'ai eu de la difficulté à lui répondre. Avec la mort de Zachary, je ne savais plus où donner de la tête et comme ce dernier avait disparu de la surface de la terre pour un peu plus d'un mois, il ne savait pas que mon copain était décédé en Afghanistan. C'était difficile mais il se devait de le savoir, pas vrai. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur que je décidai d'ouvrir ma bouche pour lui annoncer la nouvelle. « Et bien, ça fait maintenant un peu plus d'un mois que Zachary n'est pas entré... Ce que je veux dire, c'est qu'il est mort... Il ne reviendra pas. Jamais. » Terminais-je par lui dire. Mes yeux s'étaient remplis de larmes. Je n'arrivais pas à croire que je devais vivre ce moment encore et encore mais ce n'était pas de la faute à Grayson. Il ne le savait pas. Par la suite, je m'enfonçai dans la cuisine pour nous servir deux grands verres d'eau.

Lorsque je suis revenue au salon, je me suis assise aux côtés de mon ami, tout en lui donnant son verre. Je n'arrivais pas à croire qu'il était là, tout près de moi. J'étais contente et je n'étais pas vraiment capable de le démontrer, tellement ma peine était grande. J'espérais tellement être comme mon père dans un moment comme celui-là, mais ça n'allait jamais arriver. Grayson me demanda alors comment allait mes études. Petit changement de sujet qui me faisait énormément de bien pour tout vous avouez. « Ça avance, ça avance. Et ça va super bien. Je suis loin d'être un médecin officiellement mais je ne perds pas espoir.» Dis-je avec un petit sourire.

Il était désormais dans l’intérieur du domicile de Noelle, à retrouver cet endroit. Le malaise était là, toujours avec les lieux, mais pas vraiment avec les personnes. Il lui demanda comment elle allait, s’inquiétant toujours pour ses proches. Après tout, en six mois beaucoup de choses pouvaient changer. Et ils n’avaient plus aucune nouvelle, comme les autres n’en avaient plus, depuis un mois. Mais il ne s’attendait certainement pas à ce qu’elle allait lui annoncer. Zachary était mort. Etant donné la manière dont elle lui disait, cela était récent, et elle avait beaucoup de mal à accepter. Grayson restait sous le choc. Le couple était ensemble depuis trois ans, et il savait que Noelle était très amoureuse de son copain. Ils étaient plus du genre à être vraiment solide et sérieux tous les deux. Il souffla « Noelle … » alors que cette dernière sortait de la cuisine avec les boissons. Il ne savait pas quoi dire, elle venait de perdre l’un des êtres les plus chers de toute sa vie. Alors quels mots pouvaient la réconforter ? Seul le temps permettait de s’en remettre et de faire un deuil. Il attrapa son verre et ajouta : « Je suis désolé. » . Il n’y avait rien d’autre à dire, il fallait être présent pour la soutenir, et il espérait qu’elle allait réussir à refermer, ne serait-ce que partiellement, la plaie morale qu’elle allait porter toute sa vie. C’était le risque du métier, et les militaires savaient ce qu’ils risquaient en s’engageant.

Il préféra changer de sujet, ne voulant pas la faire souffrir en remuant le couteau dans la plaie. Il restait tout le même bouleversé de la nouvelle, mais ce n’était pas lui en question, mais elle. En tout cas, il allait faire attention. Sa famille avait du la suivre de près, pour ne pas qu’elle sombre dans une dépression qui pouvait la mettre en danger. Mais maintenant qu’il était là, il allait veiller sur elle aussi. Le sujet de ses études était tout trouvé. Il y avait toujours beaucoup à dire, la difficulté du travail en raison des horaires, de la pression, et de la quantité de connaissances à absorber. La médecine, c’était aussi une passion, alors elle pouvait en parler avec des yeux émerveillés. Elle semblai affirmer que ça allait, mais que c’était quand même dur. Il le savait déjà, mais le plus gros était fait. Il voulait le lui rappeler d’ailleurs, pour la motiver davantage. « Une fois que tu es passée en deuxième année, tu ne peux que réussir. » . Il lui fit un petit sourire confiant. Il savait également que, pour payer ses études ainsi que son logement, elle travaillait dans un petit restaurant à côté. Il s’y intéressa donc naturellement. « Et le boulot ? » . Il espérait surtout qu’elle arrivait à tenir le rythme, mais peut être qu’elle était en arrêt pour se remettre de sa récente perte.

Qu'est-ce qu'il y avait de plus à dire? Pas grand chose. Zachary n'était plus là, et même si les gens n'arrêtaient pas d'être désolée, ça n'allait rien changer. Il n'était plus là et il n'allait pas revenir. Il fallait que je passe au travers de tout ça. Au moins, je savais une chose. Je savais que je n'étais pas seule et que les gens de mon entourage voulait s'occuper de moi. En plus de mon copain, il y avait Grayson. Ce dernier était parti en mission depuis les six derniers mois, mais maintenant quelques semaines que personne n'avait de nouvelles de lui. En plus de tout ce qui se passait dans ma vie, je craignais pour la vie de mon ami. Heureusement pour tout le monde, Grayson était vivant et malgré son état, il était sain et sauf à la maison. À ma grande surprise, il était venu me voir, ce soir-là. J'étais vraiment contente de le voir et même s'il se faisait tard, je ne pouvais pas lui fermer la porte au nez. Je l'avais invité à entrer. Lorsqu'il me demanda comment ça allait. Je lui répondis que je ne savais pas moi-même comment j'allais, alors c'était un peu compliqué lui donner une réponse. Il s'était demandé pourquoi et c'est à ce moment-là que je lui annonçai la nouvelle concernant ma vie de couple. Ce n'était pas vraiment un choix mais la mort avait décidé de frapper.

Après lui avoir annoncé la nouvelle, je me rendis à la cuisine pour nous servir deux verres d'eau. De retour au salon, les breuvages à la main, je me suis assise aux côtés de mon ami. Il était désolé par rapport à la situation. Je le regardai et lui fit un petit sourire. « Merci Gray' ! C'est très apprécié. On connait les bons et les mauvais côtés du métier lorsqu'on vit sur cette fichue base militaire mais on ne pense jamais que ça peut nous arriver. Ça arrive toujours aux autres, jamais à nous... Mais lorsque ça se produit, c'est là qu'on se rend compte que nous ne sommes pas protégés. » Zachary savait les risques du métier lorsqu'il s'était enrôler, il y a quatre ans. Je les connaissais aussi. C'est l'une des raisons pourquoi je ne voulais pas qu'il s'enrôle mais qu'est-ce vous voulez, il voulait tellement être un militaire et servir son pays que je n'ai pas vraiment eu le choix de l'accepter malgré moi.. Et regardez où je suis aujourd'hui...

Je commençais à aller de mieux en mieux mais c'était toujours difficile de prendre du mieux lorsque les gens parlent constamment du malheur qui s'est jeté sur toi. Après cette petite discussion, Grayson changea de sujet et me demanda alors comment si j'avançais à l'école. Comme je venais de lui dire, j'étais encore loin d'être un médecin mais je ne perdais pas espoir. Parfois, je trouvais le temps loin et je voulais travailler dans un hôpital le plus rapidement possible mais je ne pouvais pas sauter des étapes. Un jour, je serai un très bon docteur mais pour l'instant, ce n'est qu'un rêve. « Oui, tu as raison ! » Lui lançais-je, avec un sourire. J'étais heureuse de voir que mes amis prenaient le temps de avoir où j'en étais dans ma vie et qui m'encourageaient peu importe les décisions que je prenais. « Le boulot ça va aussi. Je vais un peu plus d'heures depuis quelques temps. J'en est besoin pour me changer les idées et étrangement, ça fonctionne. »

La nouvelle tombait, et Grayson avait vraiment du mal à le croire. Noelle se retrouvait toute seule, perdant celui qu’elle considérait comme l’homme de sa vie. Décidemment, l’armée faisait des ravages dans l’entourage du soldat, et il ne comptait plus les pertes à déplorer. Il savait ce que c’était de perdre un proche, il avait perdu ses deux parents trop jeunes et avait toujours eut du mal à supporter tous les gens qui venaient pour vous présenter leurs condoléances, même ceux que vous ne connaissiez même pas. Dans ces moments-là, il aurait préféré rester seul avec les membres de sa famille qui lui restait, et non pas entourés d’inconnus. Mais c’était comme ça, alors il était resté poli malgré les envies qui le démangeaient d’envoyer tout bouler. Il avait grandi plus vite, personne dans son entourage ne l’ignorait. Il avait pris la tête de la famille dès lors que son père les avait quitté et que sa mère ne tenait plus. A son âge, il avait déjà une sacrée expérience dans la vie. Et il se doutait que ce n’était pas utile de prolonger le sujet Zachary, qu’à ce stade Noelle avait plus envie de se changer les idées et de penser à autre chose plutôt que de se morfondre sur les tourments de la vie et de la mort. Il conclut simplement sur : « La douleur passera. » . Elle ne la quittera jamais, les êtres perdus seront toujours là dans un coin de son esprit. Mais elle arriverai à avancer à un moment, comme tous ceux ayant perdu quelqu’un de précieux.

Grayson but quelques gorgées d’eau fraîche que la jeune femme avait ramenée de la cuisine. Il était quand même soulagé de savoir qu’elle tenait toujours ses études, et qu’elle avançait malgré tout. Elle lui confia même se réfugier dedans, pour s’empêcher d’avoir les idées noires. Ce n’était pas une mauvaise chose, c’était quand même préférable plutôt que de se créer des addictions : alcool, drogues … Certaines personnes plongeaient dans ce genre de tourbillons infernaux après les périodes difficiles, mais le travail ce n’était pas une mauvaise chose. Mais bon, en tant qu’amis de la jeune femme il se devait de la mettre en garde. « Fais gaffe à pas t’épuiser quand même. » . Si elle trouvait le temps pour dormir et pour changer, et même d’avoir une petite vie sociale, c’était l’essentiel. Il ne fallait pas non plus oublier tout le reste. Le soldat n’oublia pas la seconde raison de sa venue, après l’envie de la voir évidemment. Il avait sa blessure au mollet qui le faisait boiter, et en principe il aurait du aller à l’hôpital. Mais il préférait être là, plutôt qu’entouré de médecins avec des mines sombres, qui allaient le clouer au lit pour un moment. « Je suis désolé de te déranger avec ça, mais je dois faire vérifier ma blessure. Ca te dérange de jeter un coup d’œil ? » . C’était juste histoire de vérifier que c’était en bonne voie pour la guérison. Si jamais elle avait un verdit mauvais et qu’elle prenait une mine sombre, il irait voir un médecin. Mais sinon, il se contenterait de l’avis d’une personne en qui il avait toute confiance. Il s’avança sur le canapé pour poser son verre sur la table basse qui était juste devant lui, pour se débarrasser les mains si jamais elle acceptait de lui rendre ce petit service.

C'était difficile mais comme Grayson venait de me dire, la douleur allait passer. J'étais d'accord avec lui. Un jour ou l'autre, je souffrirai beaucoup moins que présentement. C'était tout de même récent. Juste à penser à tout ça, j'avais peur qu'un jour, Zachary sorte de ma tête et que je l'oublie. Chose que je ne voulais pas qui se produise et ce, même si je recommençais ma vie, avec un autre. Peu importe, je ne pouvais pas et ne voulait pas penser à tout ça pour le moment. Lorsque Grayson se rendit compte que je n'étais pas l'aise avec ce sujet de discussion, il le changea. Nous avons commencés à parler de mes études et de mon travail. Je m'étais en quelque sorte réfugié dans cette autre partie de ma vie. C'était mieux que tomber dans l'enfer de la drogue ou de l'alcool. La seule chose qui pourrait arriver, c'était l'épuisement, mais pour l'instant, tout allait bien. Je continuais à avoir une vie sociale même si les sorties de la maison étaient beaucoup moins fréquentes. « Ne t’inquiète pas pour ça. Tout va bien pour le moment. On verra en temps et lieu si quelque chose change. » Même si je passais mes journées à l'école et au boulot, je trouvais tout de même le temps de bien dormir, ou du moins dormir et de vivre comme avant, du moins essayer de vivre comme avant.

Grayson m'a alors sortie de mes pensées lorsqu'il m'a demandé de jeter un coup d'oeil sur sa blessure. J'avais bien remarqué qu'il boitait à son arrivée chez moi, mais je n'avais posé aucune question. Je lui fis un petit sourire. « Tu ne me déranges pas, et avec plaisir... » Je posai mes yeux sur sa jambe et j'ai ouvert la bouche de nouveau. « C'est ta jambe, c'est ça? Est-ce que tu veux m'expliquer ce qui s'est passé avant que je regarde de plus près? » Je voulais simplement m'assurer d'en savoir savoir un peu plus pour pouvoir faire un diagnostic propre à la situation.

Gray évita donc de s’attarder sur le sujet Zachary, afin de lui faire passer autre chose qu’un mauvais moments où les souvenirs ressurgissaient. Il préférait la savoir dans le travail, plutôt qu’à se plonger dans quelque chose qui pouvait lui nuire. Mais il la mis en garde contre l’épuisement, ce n’était plus rare de voir des travailleurs hospitalisés d’urgence à cause d’une trop grande fatigue. Mais elle le rassura, affirmant qu’elle était vigilante. Il la croyait, mais il n’allait pas manquer d’être observateur, afin de vérifier qu’elle va bien et qu’elle ne s’enfonce pas dans de l’excès, qu’il soit de travail ou de consommation d’on ne sait quoi. Il lui demanda ensuite si elle pouvait vérifier sa blessure. Gray ne voulait pas forcement venir l’importuner un soir, après une rude journée de travail et d’études. Il préféra donc demander si ça ne la dérangeait pas, et aurait compris si c’était le cas. Mais adorable comme était Noelle, cela ne lui posait aucune problème.

Evidemment, elle voulait savoir ce qu’était la blessure. Le soldat ne voulait pas parler de son incident, mais il était tout de même obligé de révéler quelques informations pour qu’elle puisse regarder avec plus d’attention. « Oui, c’est mon mollet. » . Il resta assis sur le canapé mais se pencha pour relever son jean jusqu’au genoux. Sa blessure était pansée avec du bandage, il entreprit donc de le dérouler sans serrer, pour ne pas s’infliger de douleurs inutiles. Une fois enlevée, la blessure assez profonde avait été correctement désinfectée, et l’entaille refermée avec des points de suture assez rapprochés. Elle n’avait pas vraiment changé depuis qu’elle avait été examinée par un médecin en Irak, mais elle était largement moins pire qu’il y a un mois, juste après ce qui s’était passé. « J’ai reçu un morceau de métal dans la jambe lors d’une explosion. Il s’agissait vraisemblablement d’une bombe faite maison, donc les éléments de sa composition sont difficiles à déterminer. » . Ce qui avait été dans sa jambe, l’habitante qui l’avait soigné l’avait enlevé. Et il était bien trop dans les vapes pour avoir réclamé l’objet afin de l’analyser. Il savait que certaines matières pouvaient engendrer des réactions spécifiques sur la peau, c’est pourquoi il précisait qu’il ne connaissait pas la composition de l’objet parasite qui avait provoqué sa blessure. Il se leva et se tourna vers le côté pour qu’elle puisse la voir.

Malgré la grosse journée que j'avais eu, je ne pouvais pas laisser tomber Grayson. Il avait toujours été là pour moi, et je devais être là pour lui. C'était la moindre des choses que je pouvais faire. Lorsqu'il me demanda de regarder sa blessure, j'acceptai mais je voulais en avoir un peu plus avant de pouvoir regarder et y toucher. C'était la procédure et même si j'étais à la maison, sous aucune supervision, je l'appliquais quand même. Je me doutais que Grayson n'avait pas envie de me parler de sa mésaventure sur les terrains ennemis mais je voulais comprendre. Ce n'était pas peut-être pas une énorme partie du travail de médecin mais je voulais m'informer pour moi. Je m'étais inquiétée pendant plusieurs semaines lorsqu'il était porté disparu et je voulais simplement avoir des réponses pour mieux comprendre. Avant de m'expliquer en détail, mon ami leva son jean jusqu'à son genou pour mieux me montrer où était sa blessure. Il déroula le pansement. Sa blessure avait été désinfecté et il avait déjà des points de suture. Bien évidemment, il avait rencontré un médecin avant de venir me voir. Quand il m'expliqua plus en détail, je me dis aucun mot, je ne faisais que l'écouter tout en observant de loin l'entaille sur son mollet. Il termina par se lever pour me la montrer.

La personne qui a pris soin de toi, a fait un travail exemplaire. Tout me semble parfait. Est-ce que tu prends des antibiotiques ou quelconque médicaments en lien avec tout ça, parce que si ce n'est pas le cas, je ne peux pas faire grand chose... Il va falloir aller à l'hôpital. Je sais que ce n'est pas le meilleur endroit mais si tu as besoin de quelqu'un, je viendrai avec toi, ça me fera plaisir !

Lui dis-je, avec un petit sourire.

Grayson évita soigneusement d’évoquer en détail les circonstances de son accident, et tout ce qui en suivit. Ce qui était certains, c’était que la locale qui l’avait recueillie, à défaut d’avoir des compétences approfondies en médecine, avait empêché la plaie d’empirer et l’avait même arrangée un peu. Si bien que malgré les semaines qui s’étaient écoulées jusqu’à ce qu’il puisse voir un médecin, il n’avait pas succombé par sa blessure. C’était douloureux, ce n’était pas une simple petite égratignure, on lui avait par conséquent prescrit des antidouleur, mais également des médicaments qui accéléraient la guérison. Il n’aimait pas trop l’idée de devoir ingurgiter une grande quantité de médicaments chaque jour, mais il n’avait pas le choix. « J’ai tout ce qu’il faut de ce côté-là, pas de soucis. » . Il jeta un petit coup d’œil à l’horloge qui indiquait que pas mal de temps s’était écoulé. Il venait à peine de rentrer et ne voulait pas laisser Roxy seule trop longtemps, d’autant plus que c’était sans doute la même chose pour la jeune femme. Il ne voulut pas paraître trop pressant, et encore moins discourtois, il expliqua donc. « Je vais y aller. Je veux pas laisser Roxanne seule trop longtemps. » . Il remit bien son pantalon et s’éloigna un peu du canapé. La belle rousse venait quand même de lui rendre un sacré service, donc il ne manqua pas de l’en remercier. « En tout cas c’est gentil d’avoir vérifié ma blessure, ça m’empêche de faire un saut à l’hôpital. » . Il fit quelques pas pour s’avancer vers la porte et s’arrêta devant celle-ci pour déposer un bisou sur la joue de son amie. « On se revoit sous peu. » lança-t-il avec un sourire amical et chaleureux, avant de sortir de l’appartement et d’aller à une borne, qui se trouvait non loin, où les taxis prenaient leur client. Il était quand même rassuré d’avoir vu Noelle, même si ce qui lui était arrivé dernièrement était dramatique.