Le son siffla jusque dans ses oreilles, venant les déchirer. Les bruler, alors que sa bouche s'ouvrait dans un cri muet. Tout son corps bandant violemment, les yeux se fermant. Était-ce la fin ? Le corps si faible sur cet amas se déplaça violemment dans l'air, projeté comme une simple balle de ping-pong. Faisant perdre sens et raisons. Il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Il était là à marcher en tête de son groupe, arme aux poings, prêt à tirer, à se défendre, à tuer comme il l'avait fait tant de fois. Puis, d'un seul coup, toutes pensées avaient disparu, projeter comme son corps par un bruit sourd et puissant. Aucune douleur, aucune sensation. Le corps tomba dans un bruit mat plusieurs mètres plus loin. La poussière ayant remplit l'air, les cris, les appelles se faisant peu à peu entendre. Lui. Ses yeux ouverts, vitreux, essayaient de capter l'extérieur, cherchant à savoir où ils étaient, cherchant à rattacher la raison à l'esprit, n'y arrivant pas. Tout c'était déroulé si vite. Il ne comprenait pas ce qu'il s'était passé. Il n'arrivait pas à savoir où il était jusqu'à ce que... D'un seul coup les yeux se firent moins vitreux et l'esprit reprit conscience, le faisant se retrouver là, dans un monde de terreur, les cris, les coups de feux et lui, seul, allongé. Ses compagnons le cherchant. Il gémit, doucement, douloureusement. Car, avec la raison la douleur fit également peu à peu son apparition. Broyante, froide tel un pic à glace. Cauchemar venant s'insinuer peu à peu dans le corps, faisant pousser un cri de douleur, un cri d'horreur. Il avait mal, tellement mal. Les larmes virent s'écouler sur les joues sableuses alors qu'il cherchait à se débattre, à se relever, sans forces. Il n'était plus qu'un amas d'os et de chaires souffrantes.

Ses mains glissèrent le long de son corps, venant le caresser voluptueusement, glissant dans ses reins, le tirant contre sa poitrine, ses lèvres rejoignant le balais, sur ses lèvres, son cou, son torse. Les deux corps se heurtèrent fortement avant de s'enlacer tendrement, la chaleur augmentant, l'envie se faisant sentir. L'air de la tente saturant lentement alors que les deux corps ondulèrent l'un contre l'autre. Homme contre homme. Sentiments contre sentiments. Amour, haine, douleur, perte. Tout ce que la guerre créait, tout ce qu'un homme cherchait à oublier. Pour survivre, pour avoir quelqu'un auquel se rattacher, pour se battre, pour ne pas mourir. Un murmure fut prononcé, ces quelques mots, cette déclaration à la fois si forte et inutile par des mots. Les mains, plus chaudes, plus puissantes enroulèrent le corps fin, le serrant dans une douce étreinte. Deux corps aimants. Deux hommes s'aimants. Ils étaient l'un pour l'autre la bouée, celui pour lequel il fallait survivre.

Il ouvrit lentement les yeux, les fixant sur le plafond blanc qui se trouvait au-dessus de lui. Deuxième réveil. Les larmes firent rapidement leurs apparitions. Impossible. Il ne voulait pas. C'était impossible. Un sanglot, déchirant, terriblement douloureux. Ses yeux se déplaçant, cherchant cette...chose...qu'ils trouvèrent rapidement, là, étendue plus loin, dans la continuité du corps. Corps blessé, douloureux et...brisé, à jamais. « Non...non... » Il voulait hurler, mais, sa gorge ne le lui permettait pas alors, il se contenta de fixer cela. Se demandant qui allait venir le voir. Ses parents ? Sa famille ? Il ne voulait pas les voir. Il ne voulait voir personne. Doucement, son regard se déplaça, quittant des yeux ce qu'il lui manquait désormais. Quittant cette jambe perdue. La guerre le lui avait arrachée. On lui avait dit qu'il avait marché sur une mine. Sauvant son groupe par son sacrifice. Quel sacrifice ?

Les traits de son visage, sa barbe naissante et son sourire. Sourire si doux, cachant le caractère puissant. Leurs mains vinrent rapidement se trouver, s'enlaçant. Une dernière fois. Avant la mission. Avant qu'ils ne se séparent. Il l'aimait. En secret, lui son supérieur. Leurs lèvres se joignirent rapidement et doucement les deux hommes se quittèrent, un dernier sourire, persuadé de se revoir, de se retrouver. Encore, sur ce camp, pour s'aimer. Pour continuer à espérer un peu... encore un peu...

« Non... non je ne veux pas que tu viennes. Je ne veux voir personne ! ALORS TU NE VIENS PAS ! » Le téléphone alla heurter le mur alors que la colère prenait place sur les traits tirés. Fatigués, brisés. Depuis combien de temps n'avait-il pas dormit correctement ? Quatre mois ? Quatre mois qu'il était revenu de là-bas, deux qu'il vivait dans ce camps...